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Complementary Therapies in Clinical Practice

L'influence positive du yoga et de la méditation sur le contrôle de la douleur : tous à vos tapis

3
octobre 2018
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Le yoga est une pratique issue de la philosophie indienne. Dans une démarche de quête de vie plus saine, de recherche d’une vision, d’une compréhension, et de prise de conscience que nous sommes un corps mais aussi un esprit, le yoga se développe considérablement parmi les Occidentaux. Il englobe la pratique de postures physiques (les « Asanas » en Sanskrit), les exercices de respiration (techniques de « Pranayama »), l’art de la concentration (« Dharana »), ainsi que la méditation (« Dhyana »). Il existe différentes pratiques du yoga : le Hatha yoga est le plus pratiqué aux Etats-Unis et en Europe. On peut aussi citer le yoga Iyengar, Ashtanga, Vini, Kundalini, Bikram… Il s’agit donc d’une vaste discipline englobant santé physique, mentale et spirituelle.

Le yoga Ashtanga fait référence à un processus en huit étapes : discipline personnelle, sociale, postures, respiration, concentration, contemplation, méditation et réalisation du soi. Des essais cliniques randomisés contrôlés ont démontré l’intérêt de la pratique du yoga dans les lombalgies, les douleurs musculosquelettiques, les céphalées, bien que les mécanismes sous-jacents à ces résultats ne soient pas vraiment bien compris. La méditation fait partie intégrante du yoga ; Nakata a étudié ses effets sur une éventuelle activité neuronale analgésique sur différentes structures qui contribuent à véhiculer les messages douloureux dans le système nerveux central. Son hypothèse est que la méditation atténue l’activité cérébrale liée à une douleur dans le cortex cingulaire antérieur, l’insula, le cortex somatosensoriel secondaire et le thalamus. La modulation de cette activité dépend des années d’expérience en termes de pratique du yoga et du type de méditation. Cette étude a consisté en une revue de la littérature afin de déterminer s’il est possible d’identifier un lien entre l’analgésie liée à la pratique du yoga et les régions encéphaliques liées à la douleur. La revue de la littérature a été faite en interrogeant Pubmed, LILACS et MEDLINE, avec des mots clés tels que : yoga, douleur, insula, thalamus, cortex, contrôles descendants de la douleur, IRM fonctionnelle, électroencéphalographie etc… Les articles ont été recueillis seulement dans Pubmed (49) mais seulement trois ont été analysés car les critères d’inclusion étaient assez restrictifs (publications en ligne, gratuites et en anglais). Dans ces trois études, les yogis ont été soumis à différents tests de stimulation nociceptive : laser, thermique (froid et chaud), piqûre … Les sujets des études ne souffraient d’aucune douleur aiguë ou chronique. Deux des articles ont utilisé des analyses en neuroimagerie ou en neurophysiologie afin d’identifier les régions de l’encéphale impliquées dans la perception de la douleur après une technique de méditation (magnétoencéphalographie, électroencéphalographie quantitative, potentiels évoqués par laser). Il a été démontré que la méditation induit une augmentation des ondes alpha dans les régions frontale et centrale et une diminution de l’amplitude des fréquences de ces ondes dans les régions du cortex somatosensoriel primaire ainsi que du secondaire. Il en est de même pour les ondes delta et thêta. Dans les résultats des études en neuroimagerie, la pratique du yoga peut induire une augmentation ou une diminution de l’activité neuronale dans des régions cérébrales responsables de la perception de la douleur (cortex somatosensoriel primaire et secondaire, cortex préfrontal, insula, région temporale…). Le yoga a un intérêt dans les douleurs musculosquelettiques grâce à une augmentation de la force et de la souplesse, mais il contribue aussi à une amélioration de l’humeur, une réduction des troubles dépressifs, avec, en extrapolant, une influence de ces facteurs émotionnels et d’attention sur la perception de la douleur. Certaines études démontrent que cette influence se retrouve d’autant plus que le yogi pratique depuis longtemps. Par l’intermédiaire du travail sur la respiration pendant la pratique du yoga et de la méditation, on remarque aussi des changements structurels dans l’encéphale au niveau de régions impliquées dans la régulation du système autonome de base.

Comment la pratique du yoga peut-elle moduler la perception de la douleur ? Trois hypothèses : 1. par effet de détournement de l’attention (distraction), 2. par effet placebo, 3. par neuromodulation dans les régions cérébrales impliquées dans le contrôle de la douleur. Par rapport à des sujet témoins, les yogis présentent en général une plus grande tolérance à la douleur, une plus grande densité de substances blanche et grise dans plusieurs régions cérébrales responsables de l’attention, du contrôle de la douleur. La durée de la pratique du yoga est proportionnelle au volume de substance grise dans le cortex insulaire gauche, ce qui suggère que l’expérience du yogi contribue aux différences anatomiques entre les « débutants » et les « confirmés ». Les yogis adoptent des stratégies mentales favorisant l’activation du cortex insulaire ainsi que sa connectivité avec d’autres régions cérébrales. La méditation en pleine conscience peut utiliser une attention focalisée (sur la respiration par exemple) et une attention plus ouverte (ou conscience ouverte), les deux semblant augmenter la capacité de distraction. Cet effet a été identifié à l’aide de PET-scan et d’IRM fonctionnelle par une diminution de l’activité de l’insula, du cortex cingulaire antérieur, du thalamus et du cortex somatosensoriel primaire et par une augmentation de l’activité du cortex préfrontal et de la substance périaqueducale.  Bushnell et al. ont démontré que l’ampleur de la réponse thermique des neurones trigéminothalamiques chez des singes peut être modulée par l’état d’attention. De ce fait, lors de la méditation, la diminution de l’activité du thalamus est probablement le résultat de cette action inhibitrice sur le neurone de la corne dorsale de la moelle épinière.  Dans le domaine de l’hypnose, les travaux de recherche de Marie-Elisabeth Faymonville, notamment en utilisant le TEP-scan, ont démontré que la réduction de la perception de la douleur observée en état hypnotique est corrélée avec l’activité de la partie ventrale du cortex cingulaire antérieur, connu pour être impliqué dans les processus d’interaction entre les perceptions cognitives et émotionnelles liées aux modifications d’un état attentionnel et émotionnel. Enfin, et cela est particulièrement intéressant : les régions encéphaliques activées au cours de la méditation liée à la pratique du yoga sont similaires à celles activées chez des personnes qui méditent sans pratiquer le yoga. A chacun de trouver son chemin vers une pratique physique et/ou méditative.

Reference

Pain-related encephalic regions influenced by yoga meditation : An integrative review

Petra Jurisic, Daiana Cristina Salm, Cintia Vieira, Francisco José Cidral-Filho, Leidiane Mazzardo-Martins, Daniel Fernandes Martins

Complementary Therapies in Clinical Practice 31 (2018) 320–324

Auteur

Lauriane Fourel

Centre d'Evaluation et de Traitement de la Douleur - Centre Hospitalier Bayeux Structure Douleur Chronique - Centre de Lutte Contre le Cancer François Baclesse Caen Invitations en qualité d'auditeur (Mundipharma, Astellas, Grünenthal)