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JAMA
Risque de mortalité liée à la prise de tramadol pour des douleurs arthrosiques.
Une recommandation de l'Académie Américaine des chirurgiens orthopédiques recommande l'utilisation du tramadol pour les patients souffrant de gonarthrose et l'American College of Rheumatology recommande aussi (sous certaines conditions) le tramadol comme traitement de première intention pour les douleurs de gonarthrose, avec des AINS. Détailler l'association entre la prescription de tramadol et la mortalité (toutes causes confondues) chez les patients atteints d'arthrose. Étude de cohorte, appariée par un score de propension, en médecine générale au Royaume-Uni. Inclusion de patients âgés d’au moins 50 ans et ayant reçu un diagnostic d'arthrose (genou, hanche ou main) dans la base de données « Health Improvement Network » entre janvier 2000 et décembre 2015.
Expositions : Prescription initiale de tramadol (n = 44451), de naproxène (n = 12397), de diclofénac (n = 6512), de célécoxib (n = 5674), d’étoricoxib (n = 2946) ou de codéine (n = 16922). 5 études de cohorte séquentielles appariées par score de propension pour comparer la mortalité toutes causes confondues entre les patients ayant reçu une prescription initiale de tramadol et les patients ayant reçu une prescription initiale de d’AINS ou de codéine
Critère principal de jugement : mortalité toutes causes confondues moins d’un an après la prescription initiale de tramadol, par rapport aux 5 autres antalgiques retenus comme comparatifs.
Résultats : 88902 patients ont été inclus (âge moyen [SD] 70,1 [± 9,5] ans; 61,2% femmes). Au cours du suivi d'un an, 278 décès (23,5 / 1 000 années-personnes) sont survenus dans la cohorte tramadol et 164 (13,8 / 1 000 années-personnes) dans la cohorte de naproxen (différence de taux 9,7 décès / 1 000 années-personnes). [IC 95%, 6,3-13,2] ; hazard ratio [HR] 1,71 [IC 95%, 1,41-2,07]) et la mortalité était plus élevée pour le tramadol comparé au diclofénac (36,2 / 1 000 contre 19,2 / 1 000 années-personnes; HR 1,88 [IC 95%, 1,51-2,35]). Le tramadol a également été associé à un taux de mortalité toutes causes confondues plus élevé par rapport au célécoxib (31,2 / 1 000 contre 18,4 / 1 000 années-personnes; HR, 1,70 [IC 95%, 1,33-2,17]) et à l'étoricoxib (25,7 / 1 000 contre 12,8 / 1 000). HR, 2,04 [IC 95%, 1,37-3,03]).
Aucune différence statistiquement significative de la mortalité n'a été observée entre le tramadol et la codéine (32,2 / 1 000 contre 34,6 / 1 000 années-personnes; HR, 0,94 [IC à 95%, 0,83 à 1,05]).
Conclusion : Chez les patients âgés de 50 ans et plus souffrant d'arthrose, la prescription initiale de tramadol est associée à un taux de mortalité significativement plus élevé sur un an de suivi en comparaison aux AINS, mais pas par rapport à la codéine.
Cette analyse, intéressante sur le risque de mortalité à un an après prise de tramadol, est à interpréter avec précautions.
Tout d’abord, il faut noter que la durée moyenne de prise des traitements considérés est de 22 jours (min 5 – max 67) pour le tramadol, 24 (5-60) pour le naproxen et le diclofenac, 31 (5-60) pour le celecoxib, 27(5-60) pour l’etoricoxib et 25 (5-150) pour la codeine. Considérant ces courtes durées de traitement, il faut faire attention aux conclusions quant au lien entre le décès et le traitement. Les auteurs ont choisi d’évaluer la mortalité « toutes causes », les taux de mortalité proposés sont donc bruts et il ne faut pas conclure à une causalité systématique du traitement.
Concernant la populations, il faut noter que les participants de la cohorte tramadol, étaient plus âgés; avait un IMC plus élevé, une arthrose « plus ancienne », une prévalence de comorbidités plus élevée (par exemple, ulcère, insuffisance rénale chronique, diabète, hypertension et maladies cardiovasculaires), et plus souvent des co-prescriptions ( autres AINS, autres opioïdes, aspirine, statine, antihypertenseurs antidiabétiques) comparativement aux patients des cohortes d'AINS avant application de l’appariement. Les résultats malgré la correction par score de propension sont donc susceptibles d’être biaisés.
Globalement le tramadol semble associé à un sur risque de mortalité dans l’année suivant la première prescription mais cette étude ne montre qu’une association et certainement pas causalité. Cette étude ne doit donc jeter les bases d’un bannissement du tramadol en particulier dans ce contexte de conclusion hasardeuse des auteurs.
Reference
Zeng C, Dubreuil M, LaRochelle MR, Lu N, Wei J, Choi HK, Lei G, Zhang Y.
Association of Tramadol With All-Cause Mortality Among Patients With Osteoarthritis. JAMA. 2019 Mar 12;321(10):969-982